PORTFOLIO ADRIENNE ARTH

FWM

1) PHOTOGRAPHIES
2) EXPOSITIONS ET PUBLICATIONS
3) ARTICLES

1-PHOTOGRAPHIES D'ADRIENNE ARTH

2-EXPOSITIONS ET PUBLICATIONS D' ADRIENNE ARTH
EXPOSITIONS D'ADRIENNE ARTH

- Méditerranées : 2005, Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille – 2006, Maison de la Poésie de St Quentin en Yvelines - 2008, Lycée français du Caire – 2009, Médiathèque de Saint Quentin en Yvelines.
- Nuit , marché de l’Art « A3Art », Paris 2006
-Ville et transparences , Atelier tampon Ramier, nov-dec 2007, Paris.
- Exposition collective organisée par la Revue Art scènes, nov-déc 2008, Paris.
- Mac 2000, Porte de Versailles, Paris du 19 au 22 nov 2009.
- Exposition collective le sexe et le vin , Atelier Bouteille, Montfort L’avaury, déc 2009 .
- Exposition collective, Biennale d'Art Contemporain / Brie-Comte-Robert , mars-avril 2010.
- Ecrit sur l’eau , festival Festi’mots d’Amblainville, mai 2010.
- Exposition collective, Transversalité, Saint Jean de Monts, juillet-Août 2010
- Mac 2000, Porte de Versailles, Paris du 25 au 28 nov 2010.
- Exposition collective, Galerie Samagra, Paris dec 2010-fev 2011
- Ecrit sur l’eau, Maison de la poésie de St Quentin en Yvelines, Mai 2011
- Variations Neiges, Salon Baltart, Nogent sur Marne, octobre 2011
- Exposition Collective, Galerie Samagra, Paris Septembre 2011
- Ecrit sur l’eau, Galerie Samagra, Paris decembre 2011
- Variations Neiges, galerie DZD ART, Roermond mars, avril 2012
- Variations Neiges, salon Puls’art, le Mans, mai 2012
- Variations Neiges, Galerie Gour-Beneforti, Bastia, déc 2012-Janvier 2013
- L’arrêt de bus, salon Puls’art, Le Mans, mai 2013
- Mers, Fondation St John Perse Aix-en –Provence, mai à juin 2013


PUBLICATIONS D'ADRIENNE ARTH

- Méditerranée, d’une terre l’autre, Ed de l’Amandier, 2007
- Méditation de lieux, Ed de l’Amandier, 2010
- Poètes dans la nature, Maison de la Poésie de Saint Quentin en Yvelines et PNR, Ed de l’Amandier, 2011
- Le contre-annuaire, 11-13 Editions, dec 2012


3-ARTICLES SUR ADRIENNE ARTH
1-TRANSPARENCE(S)
Entretien Claude BER, écrivain, Adrienne ARTH, Photographe
Article paru dans Arts Scènes n°20 septembre 2008


2-ARTICLE DE PIERRE DUBRUNQUEZ
L’art photogénique d’Adrienne Arth
Expositions salons Balt’Art, Nogent sur Marne et Puls’Art, le Mans, 2012


Claude BER : Adrienne Arth, je vous connais bien sous votre nom de scène de Frédérique Wolf-Michaux, mais j’ai envie de vouvoyer Adrienne Arth…Car c’est un aspect de votre création à la fois lié à votre parcours – la metteuse en scène a affaire à l’espace aussi, comme le montrait votre dernière création sur l’Ode Maritime de Pessoa qui vient d’être reprise au Théâtre 95 à Cergy- et distinct, avec lequel j’ai eu immédiatement le désir de dialoguer comme je l’ai fait avec d’autres plasticiens comme Georges Autard, Jeanne Gérardin ou Pierre Dubrunquez. L’univers plastique que vous instaurez avec vos « Villes et transparences », dont j’ai pu voir l’exposition en grand format à la galerie Tampon Ramier à Paris, a fait signe et écho avec mon écriture.
De manière peut-être tout à fait subjective. Y voyant sans doute autre chose et autrement que vous. Mais c’est le propre de ces machines à imaginer que sont pour moi œuvres d’arts ou écriture, que je range ensemble dans les mêmes logiciels à produire du sens ! Si je joue à choisir ce lexique informatique c’est à cause de la modernité. On dirait aujourd’hui plutôt post modernité mais c’est vocabulaire d’historien d’art et de critique, qui a sa pertinence mais que je n’utiliserai pas en tant que poète –« poïete » écrirais-je volontiers pour me rapprocher du sens grec du terme et d’un « faire » originel et en garder l’essentiel « faire dans et avec la langue ».
Il y a pour moi dans la manière dont je « fais » dans l’écriture quelque chose d’analogue avec ce que vous faites avec l’image. Une image, je le précise, où il n’y a aucun collage, aucun travail de montage après la photo. Non que cela ne puisse pas être intéressant au contraire, je pense aux remarquables photomontages sur le pli d’Elga Heinzen par exemple qui a, comme moi, beaucoup apprécié votre travail, mais parce que ce sont deux partis pris et qui chacun suscite, chez moi, à la fois une adhésion égale et une aventure différente du regard.
Dans votre travail, la fragmentation, la métamorphose, la déformation d’un objet de « la réalité » (et je mets le mot entre guillemets) est saisie dans un autre objet de la réalité. C’est l’eau, la vitre, la surface réflexive qui piègent le réel et le donnent à voir autrement à qui sait, comme vous y parvenez, saisir l’instant de ce piège. Le moment de lumière juste. Et le paradoxe c’est que ce jeu strictement visuel - vos photos sont absolument plastiques avec, vous le revendiquez clairement, des citations, allusions picturales, qui vont de Rembrandt à De Staël - possède une sorte de densité, d’épaisseur de temps, étonnante.
Il y a dans cette superposition d’images, de lumières, de mouvement, dans le frottis de ce dernier pris dans la vitesse (comme ces coups de chiffon sur les toiles de Bacon) qui me touche immédiatement. J’y reconnais ce travail couches sur couches à l’œuvre dans mon écriture, quand le poème, clip ou mille-feuilles, superpose les sensations, les perceptions en un condensé qui est, pour moi, sa spécificité. De la même manière vos photos superposent des « couches de réalité », introduisent un décalage du regard que je nommerais volontiers poétique, à condition d’écarter du mot toute imagerie sentimentale ou anecdotique et de le prendre dans son sens fort, celui que lui donnait déjà Rimbaud de faire sens en tous sens et dans tous les sens dans à la fois un appel à l’imaginaire et une traversée aigue du réel. C’est cela que je nomme « transparence ». Non pas la transparence mirador d’un dévoilement obscène ou totalitaire, mais dans le sens d’une traversée des apparences qui en fait éclater à la fois l’évidence et le mystère.
Et cela, je le trouve dans vos photos. L’évidence obscure de notre vie. Car votre série « Villes et transparences » est enracinée dans notre contemporanéité, le métro, la ville, les vitrines, ce jeu de miroir et de glaces où nous vivons et que je n’avais pas vu, « vraiment vu », avant vous. Il me semble que là est une des réussites de l’artiste. De rendre visible, perceptible, ce qui est sous nos yeux et que dont nous n’avions pas pris mesure ou conscience. Je me suis donc retrouvée devant vos photos voyant ce que je voyais tous les jours. A présent elles ne cessent de m’apparaître ces transparences que vous avez saisies dans votre appareil ! j’ai donc pris de vous une nouvelle lecture, une vision renouvelée.
Alors une première question. Pourquoi ces reflets et transparences, qui sont une des lignes de force de votre travail puisque va paraître, je crois, un livre sur les « reflets dans l’eau » qui travaille ces mêmes effets de miroir et de déformation ?

Adrienne Arth : Je fais de la photo depuis plusieurs années et ce qui, immédiatement, m’a attiré « l’œil » c’est le cadre. En cadrant une photo, on choisit de montrer une seule part de la réalité qui se déroule sous nos yeux. Cet arrêt du temps et de la lumière me fascinait et, en même temps, ne rendait pas compte de tout ce qui était hors du cadre, dans la continuité du mouvement, de ces « couches » concomitantes et successives, comme vous le dites pour définir votre travail de poète. C’est alors que je me suis intéressée aux transparences, car dans cette accumulation soudaine de plusieurs couches en un seul temps, je pouvais rendre compte d’une certaine manière du hors cadre, d’un espace non plus clos, mais ouvert comme un livre et déployant en une surface, la vision d’autre chose qui continuait ailleurs.
Il m’intéressait aussi de saisir par où la réalité, toujours menacée de « platitude » pouvait se révéler autre. Les choses semblent être dans leur quotidienneté toujours les mêmes et pourtant, comme l’eau où le désert, sont perpétuellement changeantes ; Le métro, les vitrines, les vitres de nos villes me renvoyaient à la fois à cette sensation d’immobilité du réel et à leur perpétuel changement comme la lumière et le vent sur les dunes qui transforment un paysage d’une minute à l’autre. Je pouvais ainsi saisir une poésie de notre quotidien à la fois dans sa banalité, mais aussi dans ces surprises qui soudainement s’offrent au regard.
Ce travail des transparences m’a saisie aussi en regardant la masse, le volume, la légèreté, la sensualité de l’eau. J’emploie « saisie » car elle m’absorbe totalement. Mer, fleuves, petits cours d’eau, fontaines sont devenus un de mes sujets favoris, car, là aussi, les « signes » changent à chaque seconde et ouvrent le regard à autre chose qui a affaire à l’eau, aux « reflets dans l’eau » effectivement, mais surtout à la déformation des lignes qui proposent une multiplicité de tableaux abstraits où la couleur devient l’élément clé, signifie et crée un nouvel espace.
C’est ce « nouvel espace » que j’aime aussi particulièrement dans votre travail. Aussi bien dans « La Mort n’est jamais comme » que dans votre livre significativement intitulé « Sinon la transparence » tous deux réédités par les éditions de l’Amandier, vos textes donnent à saisir cet ailleurs du monde, j’irais jusqu’à dire font « révélation », avec le sens que ce terme a pour le photographe. Je pense par exemple à ces textes magnifiques comme « Ce qui reste » ou « Connaissance » ou à « Ta peau » et à tant d’autres, tous si « complexement simples » comme le dirait Fernando Pessoa car offrant par l’alliance et la mise en écho des sons et du sens, images et révélation de l’image. J’envie aux poètes cette capacité à pouvoir, à travers leur art, rendre compte du monde, à la fois dans son mystère, sa complexité et son évidence. Sa métaphysique, finalement. Non pas dans le sens philosophique, mais dans la capacité à relier entre eux les différents plans de l’être qui toujours travaillent ensemble.
Comment faites-vous, en tant que poète, pour nous rendre sensibles et comme inscrits dans la peau, ces plis multiples, cette condensation du réel que vous traduisez par cette expression de « mille-feuilles » que j’aime beaucoup?

C.B. : Vous savez bien qu’à la fois on sait et on ne sait pas comment on fait. Il y a un mélange de technique, d’artisanat, de savoir de l’écriture comme chez vous de savoir de la photographie, et de quelque chose de non contrôlé, d’intuitif au sens où l’intuition est condensation de nos perceptions, qui se fait à notre insu. Il y a à la fois la maîtrise et le lâcher prise, la tenue de l’outil et l’ouverture à ce qui survient. Comme diastole et systole de notre rythme cardiaque, yin et yang des maîtres zen, où les traditionnels « animus » et « anima », ces « deux sexes de l’esprit », dont Michelet rappelait justement qu’ils caractérisent tout processus de création. Et cela se travaille en même temps dans le recul lucide, dans la lumière de la distance critique (vous choisissez, travaillez vos photos comme moi mes textes dans le recul du regard après coup) et dans l’obscur de nous–mêmes, qui comprend aussi bien la spontanéité sensible, l’inconscient et cette mémoire du corps si essentielle. Ensuite l’alchimie se fait dans le temps et avec le temps. Pour moi, l’écriture, et le poème notamment, est toujours « ce qui reste », trace, stigmate, fragment dans lequel se résument, se condensent notre expérience et notre vision du monde. Il se fait par cette opération du temps qui combine oubli et mémoire, qui efface, rapproche, métamorphose à tout instant notre perception sensible du réel et nous-mêmes.
Vous insistez, vous aussi, sur le caractère changeant, fluctuant du réel, sur cette coulée du temps, qu’il y a paradoxe et même gageure à tenter de saisir dans des mots ou des images. Pourtant c’est bien cette expérience dynamique que vous proposez au regard dans une image immobile, la photo, alors qu’on la prête plus naturellement à des images filmiques. Mais de manière plus attendue aussi peut-être au point qu’on ne la « voit » plus. Tandis qu’à la fixité de l’objectif, le paradoxe se révèle. Comme, il se révèle, pour moi, davantage dans la superposition du poème que dans le déroulé de la narration. Peut-être à cause de ce « complexement simple » qui dit bien ce que je cherche dans le poème et ce je ressens devant vos photos et que nous avons abordé à travers le terme de « transparence ».
On peut comprendre ce dernier dans son sens premier, de surface à travers laquelle on voit et sur laquelle se réfléchissent d’autres surfaces on peut aussi jouer – c’est le propre des poètes que d’aller à tous les sens des mots !- en entendant dans « trans-parence » ce qui traverse ce qui paraît, ce qui troue l’apparence et saisit dans et par la fugacité même de ces apparences, de ces sensations immédiates, quelque chose d’essentiel. Un essentiel, qui ne peut être dit qu’en poésie, en photographie, en peinture, « en » comme on dirait dans une langue particulière et qui est le langage artistique. Et ce que dit/montre ce langage là, nul autre manière de dire ne le dit. Le propos semble abstrait, mais comme toujours lorsqu’on se met à parler « sur » l’art ou l’écriture car il y a un point où le seul moyen de parler de poésie est de l’écrire et de la lire et où parler de vos photos ne donne pas à ressentir l’expérience du regard qu’elles proposent. C’est cette « irréductibilité » là qui est importante. L’écriture, la représentation, déclenchent le commentaire, mais, en même temps, contiennent un noyau irréductible à ce dernier, une autre sorte de « ce qui reste », qui ne peut pas être saisi autrement que de la manière dont le poème, la photo, le tableau l’ont fait comme ils l’ont fait. On en revient alors humblement, si je puis dire, au matériau du travail. Les mots, les couleurs, les lignes, le cadre, ces alphabets premiers à la fois simples et illimités, infiniment complexes dans leurs possibilités de combinaisons, de variations. On en revient à ce « complexement simple » ou à ce mot d’Heidegger qui me parle beaucoup « le simple préserve l’énigme ».
Ma démarche artistique, comme n’importe laquelle, combine la singularité de mon parcours, l’histoire esthétique à laquelle j’appartiens, dialoguant avec une histoire culturelle comme avec la contemporanéité de la création vivante et l’appartenance à une humanité commune. Quand j’écris, je me situe à la fois dans les questionnements de la poésie contemporaine, dans des références à son histoire passée et présente, dans des obsessions, des questions propres à mon histoire, comme, pour ne citer qu’un exemple, le rapport parole et écrit qui est une question contemporaine de la poésie mais aussi une donnée de mon origine méditerranéenne, où la dynamique du souffle, du « pneuma » grec ou du « ruha » hébreux, l’importance du verbe, l’importance de l’oralité entrent en tension avec l’écrit, son recul et sa distance, son silence, tension que je nomme « dirécrire » et dans laquelle travaillent mes textes. C’est de ce qui reste au centre de ces multiples tensions que naît l’écriture. A un nœud où tout se joue dans un double mouvement de lucidité et de quête tâtonnante, parfois aveugle même … En est-il de même pour vous ?

A.A. : Oui et vous parlez de ce cheminement de l’artiste si pertinemment qu’il est difficile d’y ajouter quelque chose ; comme vous, je travaille avec ma propre histoire et celle à laquelle j’appartiens ; comme vous, j’ai « mes copains de génie » selon l’expression du poète Henri Michaux, et ils sont pour moi source d’inspiration, d’attache esthétique et de réflexion qu’ils soient peintres, écrivains, musiciens ou photographes ou qu’ils appartiennent à tout ce qui touche à l’art de la scène. En revanche, là où vous parlez de souffle et de parole, je parlerai en ce qui concerne mes photos de silence et d’air, comme si, l’arrêt de l’image, arrêtait le son ou le condensait de telle sorte, qu’il n’en reste plus que sa trace, l’air dans l’image, son espace de vide à l’intérieur du cadre.
Dans la peinture, qui a toujours été pour moi une source importante d’inspiration, c’est le rythme de cet espace de l’air dans le tableau qui constitue sa vibration et son vivant. Un tableau sans air est un tableau mort, comme une photo, elle ne « tient » pas sous la longueur du regard et finit par disparaître comme happée, alors que si dans la lumière de la photo, dans son silence, résonne l’air, l’espace continue à vibrer, longtemps. Je parle ici d’une esthétique photographique fortement marquée par le pictural et « la geste » scénique, univers déjà eux-mêmes, distancés d’une certaine forme de réalité, du reportage, de l’exactitude du réel, si tant est qu’il existe.
Ce qui m’importe c’est que ce que je vois puisse être saisissable à travers une photo, que la chose racontée puisse être vue, sans pour autant qu’elle le soit comme je l’ai vue, mais paradoxalement, qu’à travers son silence émerge une parole au monde. Une façon de le saisir et de le dire, à la fois claire, à la fois lourde : présente. Et c’est à petits pas faits, comme vous le dites vous-même, d’une part de soi-même, d’une part de l’autre et d’une part de ce mystère que constitue l’acte de création que je fais acte de photographie, comme je le peux, de l’endroit ou je suis. Avançant avec et par elle sans savoir ce que peut-être une « bonne » photo si ce n’est dans la définition que je m’en donne ; toujours reprise par ce plaisir du risque qu’est tout acte de création, tenter de dire encore une part du monde.


ARTICLE DE PIERRE DUBRUNQUEZ
L’art photogénique d’Adrienne Arth
Expositions salons Balt’Art, Nogent sur Marne et Puls’Art, le Mans, 2012


Adrienne Arth photographie des scènes, des paysages souvent urbains, des gares, des agoras, des fêtes foraines, des présences captives de leur reflet dans des baies vitrées, des vitrines ; mais aussi le mouvement des vagues, la lumière crue d’un jour de neige ou celle, tamisée, des bars qu’on croirait venir d’un tableau classique. Ces images frappent d’emblée par une force, une fermeté du regard que n’altèrent jamais le raffinement de leur grain, des transparences, des effets de glacis parfois proprement picturaux. Mais qu’ont-elles, au juste, en commun ? En quoi portent-elles toutes la signature d’une artiste quand cette artiste est photographe ? En quoi, en somme, attestent-elles de ce qu’Adrienne Arth a vu quand le monde se présente sous son aspect singulièrement photogénique ?
Car l’œil du photographe n’est pas un œil naturel, séduit, voire étourdi par tout ce qui s’offre à lui de surprises, d’enchantement ou de stupeur. C’est un œil qui choisit, évide, fait saillir, voit d’instinct la photographie dans le motif qui le saisit. Et si son art est réaliste, « une exacte reproduction de la nature » comme s’en désolait Baudelaire, il ne l’est pas plus que celui du peintre quand il ne cherche qu’à copier la Sainte-Victoire de peinture qui est déjà, là, sous ses yeux mais qu’il est le premier à voir. La sophistication des moyens n’y fait rien, quand Adrienne Arth photographie, sur l’esplanade de la Défense, des passants luttant contre une bourrasque de neige, c’est sa neige qu’elle fixe, artificielle et vierge, une neige photographique. Et si on la reçoit comme une composition picturale, presque abstraite dans son graphisme et son traitement des valeurs, il faudrait surtout se garder d’y soupçonner le souci d’imiter un geste de peintre. Jamais Adrienne Arth ne produit l’illusion d’un tableau, comme tant de photographes aujourd’hui, nostalgiques et trop peu conscients de leur art. Jamais chez elle d’interventions artificielles sur ce que l’objectif a pris. Remarquable est chez cette artiste son refus de céder aux manipulations offertes par les moyens dont elle dispose. Adrienne Arth ne s’en tient qu’à ce qu’elle a vu, et si l’on songe, ici à un caravagesque clair-obscur, ailleurs aux couleurs plates du Pop Art comme dans ces déroutantes vues de nacelles au ciel d’un parc d’attractions, on distinguera vite l’authentique photographie d’un effet de peinture, le photographique du tableau, du tableau simplement photographié.
La question cependant persiste : quel est donc cet art qui dans le geste d’actionner un mécanisme manifeste son génie propre, ce que j’appellerai sa photogénie, comme on parle ailleurs de picturalité ? Quel est ce geste qui soudain débusque une image comme un suspens dans le flux infigurable du temps ? Car c’est d’un arrêt net, à l’instant précis de sa décision, qu’une photographie prend forme ; d’un arrêt sur image, en somme. Et ce que le photographe arrête c’est toujours pour mieux le voir. Non que son art ne mobilise que sa rétine, encourant le reproche qu’on fait souvent à l’impressionnisme. Le travail d’Adrienne Arth nous convaincra vite du contraire. Affectif est chez elle le temps de pose, et qu’il s’étire ou se contracte, n’ajoute rien à la définition de l’image, aussi précise à capter la vague que l’éclair, l’émotion la plus trouble et la moins accordée aux lois de l’optique. Rendre la confusion avec clarté, et visible l’imprévisible, « fixer des vertiges » combien chez elle de silhouettes tremblées, comme éventées, de pieds qui se dérobent à l’instant de prendre appui , tel est son vœu après Rimbaud : « S’il voit la forme il donne la forme, s’il voit l’informe il donne l’informe. »
Mais la photographie a ses outils, sa matière, son champ de création spécifique, d’autant plus riche que l’artiste en éprouve lucidement la vocation, les limites. Elle n’est pas cet ancêtre infirme d’un cinéma dans lequel elle trouverait sa fin (« Rien de plus inélégant, de plus inefficace qu’un art conçu dans la forme d’un autre » prévenait Robert Bresson). Art de l’immobilité, au contraire, mieux de l’immobilisation, qu’ Adrienne Arth pratique, et qu’elle conçoit de résistance : résistance, je l’ai dit, au vertige des moyens dont les techniques d’aujourd’hui la dotent, mais aussi résistance aux jeux évanescents du temps, des mouvements, de la lumière, et au chaos de leurs improbables reflets ; un monde en vient où les miroirs sont infidèles à ce qu’ils montrent, où des figures se croisent, se condensent, mêlent et démêlent leurs contours, un monde où la vague arrêtée dans son essor ne retombe pas dans la fatalité de son mouvement.
Mais ce monde où Achille ne rejoint jamais la tortue, tant chaque instant y est unique, incomparable pour l’un et l’autre, Adrienne Arth c’est avec son corps qu’elle l’explore. Ce corps du photographe réputé invisible, effacé derrière son outil ; moins hors champ pourtant qu’en retrait, un corps qui lui est son seul appareil, au fond, corps subjectif devenu objectif, comme celui de ce Philothée du Sinaï qui inventa, dit-on, le verbe « photographier », pour autant qu’exposé au feu du désert, il lui semblait donner corps, son propre corps, à la lumière qui n’a « ni forme ni figure. »
Dans le contre-jour de ses villes, Adrienne Arth en reformule aujourd’hui l’expérience, affectée qu’elle est par une singulière passion : l’art de rendre son corps photogénique.

CONTACT ADRIENNE ARTH
Portable : 06 80 89 96 93
E-mail: <arthadrienne@orange.fr>
Site: <http://www.fwm-lukm.com>